lundi 14 mars 2011

II - Et du côté du privé, qu'ai-je eu à souffrir ?


La grande entreprise, ma cliente, mon amie. L'informaticien : mon  meilleur ennemi...
Au début de mon entreprise, à partir de 1986, j'ai été soutenu par des professionnels devenus des amis grâce à l'association que j'avais fondée, le Cercle de Bretagne, auxquels nous appartenions. Ma société une fois créée, il m'a fallu six mois pour conquérir mon premier client (Banque de Bretagne) et 6 mois encore pour trouver le second (Citroën). Les deux étaient situés à Rennes, la sœur-ennemie de Nantes à 100 km de là ! Aucun contrat à Nantes. Cela m’a toujours étonné qu'un nantais soit si bien accueilli dans une ville "rivale". Les clients suivants, je les fis à Paris (Ance, GSI-Tecsi, …) puis à Grenoble (Smt Microelectronics et Merlin Gérin) ! Mon premier client à Nantes ne sera fait que quatre ans plus tard (la DCN Indret, une administration). Et encore, parce que le patron est un ami et fait partie du Cercle de Bretagne. C'était aussi le cas du patron de la Banque de Bretagne Nantes (j'ai oublié son nom, hélas…), qui eut un rôle absolument déterminant : il fut à l’origine de la création d'Arcane en m'incitant à fonder une entreprise et en m'accordant tout le soutien bancaire possible. C'est lui qui m'a introduit au siège de sa banque à Rennes et m'a ainsi permis de valider ma théorie avec le système expert Joséphine. Le Cercle de Bretagne, je l’avais fondé des années avant de songer à créer une entreprise. Je pensais alors - avec raison ! - qu'il faut être fou pour fonder une société innovante en France. Cette association, dont j'étais le président et que j'animais énergiquement, comptait plusieurs hauts-fonctionnaires (Ena, X, Centrale), devenus de vrais amis. Dont Henri de Bronac, polytechnicien devenu un haut-responsable du Conseil Régional des Pays de  la Loire, qui m’a fait obtenir pour Arcane une aide à la création d’entreprise pourtant refusée d'avance par le Conseil Régional. Ce service-là, qui m'a clairement montré son amitié, je ne l’oublierai pas. D’où sa présence dans ce livre. Il y a deux sortes de fonctionnaires : ceux qui ont la vocation du "service public" et ceux qui ont la vocation du "se servir soi-même".
Mes clients furent quasi-exclusivement des grandes entreprises et des administrations. Les grandes entreprises se sont toujours comportées comme des alliés en dépit de la fragilité évidente de ma société. Elles m’ont constamment aidé à mettre au point et à perfectionner mon invention. Elles étaient conscientes de m'aider à mener mes recherches, de servir un peu de cobaye, et acceptaient de me financer pour leur trouver des solutions nouvelles qui marchent. Elles ont consenti à courir des risques en signant des contrats avec moi bien que ma société soit minuscule et à la limite du dépôt de bilan, en dépit de la concurrence des « majors » indestructibles, ces grosses "SSII" outrageusement soutenues par les commandes des administrations et qui prétendaient connaître le métier mieux que moi. Comme Cap Sogeti... Elles ont parlé aux journalistes du travail que j’avais réalisé pour eux, en bien. Quant à mes clients administrations, certains ont agi de même, par exemple l'Agence Nationale pour la Création d'Entreprise, le Conseil Régional des Pays de la Loire et l'Université Nancy II. Les autres me commandaient des logiciels déjà développés ("progiciels") et je n'en entendais plus parler. Par exemple, l'Éducation Nationale qui eut la gentillesse de m'en commander 100 et les redistribua dans les lycées sans leur expliquer de quoi il s'agissait ! En 23 ans, le seul client qui ne m’a pas payé, ce fut un petit cabinet suisse en train de déposer son bilan, pour un tout petit contrat. Plusieurs clients ne sont pas parvenus à me payer en temps et en heure, mais c’était en période de crise économique, ils ont fini par payer et je ne peux leur en vouloir. Un seul client a carrément refusé de me payer en temps et en heure : le Conseil Régional des Pays de la Loire …une administration. C’était en 1990 lors du développement d’Exportest, un système-expert de conseil à l’exportateur. Il s’agissait du versement du 2ème tiers, défini par contrat à mi-parcours du développement. Le Directeur venait de changer et il a voulu se démarquer du précédent : « Je ne paierai le 2ème tiers qu'en même temps que le dernier tiers et je me fiche des termes du contrat qui a été signé ! » Instructif… Mais, comme je l’ai amplement montré, seuls les fonctionnaires irresponsables sont capables de mordre ainsi la main qui les nourrit.
Dans la première partie du livre, vous avez vu qu’il m’est arrivé fréquemment d’avoir la route barrée par les informaticiens. Mais je n'ai jamais eu à souffrir de cabale de leur part, même pas après avoir obtenu le marché dans leur société et qu'il était facile alors de m'attendre au tournant. Ce furent des oppositions ponctuelles, compréhensibles quand un fournisseur nouveau se présente qui entend tout révolutionner, surtout votre propre métier ! Elles ont sûrement porté tort à mon entreprise mais, étant dans le privé, je pouvais toujours m’adresser ailleurs... Les informaticiens n’ont jamais fait (à ma connaissance) jouer leurs relations auprès d’associations d’informaticiens, d’administrations ou de copains fonctionnaires pour me ruiner ou me faire condamner, expulser, interdire de gérer ou déposer le bilan...

L'Etat qui prend d'un côté à tous pour donner de l'autre à certains...
Si ma société n'avait pas menée une recherche privée très avancée, si elle s’était contentée de proposer des prestations classiques, si j'avais monté une société de nettoyage ou de gardiennage, je n'aurais pas rencontré toutes ces difficultés. Et même avec ces difficultés, mon entreprise aurait décollé. Plus lentement, certes, mais sûrement. En France, quand on crée une entreprise à vocation innovante, il faut les aides de l’État pour compenser …les obstacles d’État. Si vous n'avez pas l'un, le second vous tue. Comme d'habitude, les deux sont produits par les mêmes : nos administrations. Parasitisme, obstacles à la création d’entreprise (capital minimum, contrôles tatillons, impôts et taxes aussi insupportables que si l'entreprise gagnait sa vie depuis 10 ans), à la gestion d’entreprise (soutien de l'État aux syndicats et aux grèves, interdictions de gérer accordées à tout va…), à la recherche, à l’embauche (énorme taxation des salaires), à l’esprit d’initiative (indemnités de chômage refusées aux créateurs et aux chefs d’entreprises même s'ils ont régulièrement cotisé aux Assedic, interdiction de tout droit de regard sur leurs entreprises et leurs salariés dès que la "justice" d'un tribunal de commerce a nommé un liquidateur ou un mandataire pour remplacer ce patron), haine des entreprises et de leurs chefs bien que ce soit eux qui nourrissent la population par leurs chiffres d'affaires, fonctionnaires inclus... Toutes ces obstructions insupportables sont les mamelles de la fonction publique.
En conclusion : non, jamais le privé n’a agi contre moi. Bien au contraire. Mon problème est exclusivement un problème "administratif"...

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